La stratégie chinoise ou comment s'informer, estimer, diviser, détourner, tromper, et vaincre « sans coup férir ». Tr. Amiot (fr) et Giles (en).
De la concorde et de la discorde
Si vous avez su vous faire des créatures dans les villes et les villages des ennemis, vous ne manquerez pas d'y avoir bientôt quantité de gens qui vous seront entièrement dévoués. Vous saurez par leur moyen les dispositions du grand nombre des leurs à votre égard, ils vous suggéreront la manière et les moyens que vous devez employer pour gagner ceux de leurs compatriotes dont vous aurez le plus à craindre ; et quand le temps de faire des sièges sera venu, vous pourrez faire des conquêtes, sans être obligé de monter à l'assaut, sans coup férir, sans même tirer l'épée.
Si les ennemis qui sont actuellement occupés à vous faire la guerre ont à leur service des officiers qui ne sont pas d'accord entre eux ; si de mutuels soupçons, de petites jalousies, des intérêts personnels les tiennent divisés, vous trouverez aisément les moyens d'en détacher une partie, car quelque vertueux qu'ils puissent être d'ailleurs, quelque dévoués qu'ils soient à leur souverain, l'appât de la vengeance, celui des richesses ou des postes éminents que vous leur promettez, suffiront amplement pour les gagner ; et quand une fois ces passions seront allumées dans leur cœur, il n'est rien qu'ils ne tenteront pour les satisfaire.
Si les différents corps qui composent l'armée des ennemis ne se soutiennent pas entre eux, s'ils sont occupés à s'observer mutuellement, s'ils cherchent réciproquement à se nuire, il vous sera aisé d'entretenir leur mésintelligence, de fomenter leurs divisions ; vous les détruirez peu à peu les uns par les autres, sans qu'il soit besoin qu'aucun d'eux se déclare ouvertement pour votre parti ; tous vous serviront sans le vouloir, même sans le savoir.
Si vous avez fait courir des bruits, tant pour persuader ce que vous voulez qu'on croie de vous, que sur les fausses démarches que vous supposerez avoir été faites par les généraux ennemis ; si vous avez fait passer de faux avis jusqu'à la cour et au conseil même du prince contre les intérêts duquel vous avez à combattre ; si vous avez su faire douter des bonnes intentions de ceux mêmes dont la fidélité à leur prince vous sera la plus connue, bientôt vous verrez que chez les ennemis les soupçons ont pris la place de la confiance, que les récompenses ont été substituées aux châtiments et les châtiments aux récompenses, que les plus légers indices tiendront lieu des preuves les plus convaincantes pour faire périr quiconque sera soupçonné.
Alors les meilleurs officiers, leurs ministres les plus éclairés se dégoûteront, leur zèle se ralentira ; et se voyant sans espérance d'un meilleur sort, ils se réfugieront chez vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert. Leurs parents, leurs alliés ou leurs amis seront accusés, recherchés, mis à mort. Les complots se formeront, l'ambition se réveillera, ce ne seront plus que perfidies, que cruelles exécutions, que désordres, que révoltes de tous côtés. Que vous restera-t-il à faire pour vous rendre maître d'un pays dont les peuples voudraient déjà vous voir en possession ?
Si vous récompensez ceux qui se seront donnés à vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert ; si vous leur donnez de l'emploi, leurs parents, leurs alliés, leur amis seront autant de sujets que vous acquerrez à votre prince. Si vous répandez l'argent à pleines mains, si vous traitez bien tout le monde, si vous empêchez que vos soldats ne fassent le moindre dégât dans les endroits par où ils passeront, si les peuples vaincus ne souffrent aucun dommage, assurez-vous qu'ils sont déjà gagnés, et que le bien qu'ils diront de vous attirera plus de sujets à votre maître et plus de villes sous sa domination que les plus brillantes victoires.
Soyez vigilant et éclairé ; mais montrez à l'extérieur beaucoup de sécurité, de simplicité et même d'indifférence ; soyez toujours sur vos gardes, quoique vous paraissiez ne penser à rien ; défiez-vous de tout, quoique vous paraissiez sans défiance ; soyez extrêmement secret, quoiqu'il paraisse que vous ne fassiez rien qu'à découvert ; ayez des espions partout ; au lieu de paroles, servez-vous de signaux ; voyez par la bouche, parlez par les yeux ; cela n'est pas aisé, cela est très difficile. On est quelquefois trompé lorsqu'on croit tromper les autres.
Amiot
Hence it is that which none in the whole army are more intimate relations to be maintained than with spies.1 None should be more liberally rewarded. In no other business should greater secrecy be preserved.2
Spies cannot be usefully employed without a certain intuitive sagacity.3
They cannot be properly managed without benevolence and straightforwardness.4
Without subtle ingenuity of mind, one cannot make certain of the truth of their reports.5
Giles XIII.14-17.
L'Art de la guerre – Sun Zi XIII. 12. – Chinois off/on – Français/English
Alias Sun Tzu, Sun Wu, Sun Tse, Sunzi Bingfa, Souen Tseu, Souen Wou, 孫武.
Le Canon des Poèmes, Les Entretiens, La Grande Étude, Le Juste Milieu, Les Trois Caractères, Le Livre des Mutations, De la Voie et la Vertu, 300 poèmes Tang, L'Art de la guerre, Trente-six stratagèmes
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